Aenima
Aenima
a débarqué en 1996 en tenu de gala et avec des gros sabots:
présentoirs particuliers chez les disquaires, diffusion radio (limité
quand même aux émissions underground), interviews du groupe
dans les magazines, vidéos (Stinkfist)... Et bien non, l’album ne
s’est pas vendu en France, du moins de manière dérisoire
vis-à-vis des autres pays. L’album est tout de même resté
près de quatre mois deuxième au classement hard-rock aux
Etats-Unis et au Royaume-Uni. Il était devant les albums de groupes
tels que Metallica, The Smashing Pumpkins ou Garbage que tout le monde
connaît au moins de nom. Résultat, lors de la tournée,
5 dates en Angleterre, 6 en Allemagne et 1 en France à l’Elysée-Montmartre.
Pour ceux
qui ont eu la chance d'acheter l'album dès sa sortie, vous avez
pu bénéficier de la magnifique pochette avec effet de relief.
Les autres devront ce contenter de la couverture en noir et blanc sans
les yeux. Mais je rassure tout le monde, le contenu du CD est le même.
J'ai également entendu dire qu'il y aurait en circulation une troisième
version de la présentation de cet album.
Etant
donnée la reconnaissance de Tool aux Etats-Unis, Maynard James Keenan
a même chanté un duo avec Tori Amos en live sur MTV. C’est
relativement amusant puisque les vidéos de Tool ne passent pas sur
MTV (because censure shocking les bonnes gens) excepté dans l’émission
HeadbangerBalls vers 3 heures du mat’ avec plus de beeps que de paroles.
Pourtant,
en ce qui concerne l’album Aenima, c’est le plus écoutable pour
le commun des mortels. Il est surtout beaucoup plus travaillé musicalement,
moins basique qu’Undertow et plus axé industriel.
Aenima
1- Stinkfist
2- Eulogy
3- H.
4- Useful Idiot
5- Forty Six & 2
6- Message to Harry Manback
7- Hooker with a Penis
8- Intermission
9- Jimmy
10- Die Eier Von Satan
11- Pushit
12- Cesaro Summability
13- Aenema
14- (-) Ions
15- Third Eye
Comme
d'habitude vous ne trouverez nulle part sur la jaquette les paroles des
différentes chansons. Il faut déjà se battre et avoir
de bon yeux pour réussir à lire les titres des morceaux.
Je pense que vous (mes amis francophones) aurez moins de mal à suivre
les délires de Maynard James Keenan avec les paroles. Il faut par
contre un bon niveau d'anglais pour les comprendre. Et encore même
pour les anglophones c'est incompréhensible!!!
Seattle, 18 octobre 1996, 0h25. Pluie ruisselante sur un dédale
de buildings tout à leur froideur métallique pour unique
champ visuel. Et, dans le lecteur CD portable, cet Aenima dont on s’efforce
depuis plusieurs semaines déjà d’en décortiquer la
rugosité sombre, d’en débroussailler la destruction cérébrale. Soudain,
une feuille glissée sous la porte: demain après-midi exercice
d’évacuation et test des procédures d’alarme au feu. Comme
s’il n’y avait pas assez de cet album suintant le malsain par tous les
pores, véritable scanner des tréfonds intérieurs,
pour avoir raison de notre petit confort mental et jongler sournoisement
avec nos certitudes d’apparat. Il est décidément des coïncidences
troublantes... Soixante-dix sept minutes et vingt-cinq secondes. Voilà
ce que durera l’expérience Aenima, plongeon angoissant et exténuant
dans une dimension qui s’en ira anesthésier jusqu’au dernier de
nos repères. Quinze
phases pour une entreprise de déstabilisation absolue. Avec en guise
de présentation, ce visuel en 3D où des globes oculaires
semblent happés par un halo de lumière blanche appelant au
néant. Où la Californie est irrémédiablement
promise à un destin funeste, engloutie par les flots. Où
nous sont assénés des messages à la terminaison presque
subliminale: « les croyances n’existent que pour permettre à
l’esprit de fonctionner. Un esprit non activé est cliniquement mort.
Ne croyez en rien... »
Tempos de batteries concassés, rythmiques
à la monolithique mécanique, râles puis cris qui saisissent
à la gorge pour mieux fuir l’instant d’après, guitares dessinant
leur lot de spirales aux trajectoires imprévisibles, Aenima n’est
ainsi qu’une vague de ressacs emportant tout sur leur passage. Metal, indus,
hard-rock, les mots s’avouent à leur tour vaincus perdant leur sens
et jusqu’à leur signification. Et dans cet enchevêtrement
de sons et bruits, de stridences et feulements (orgues de barbarie éthérés,
nuées d’insectes, ondes magnétiques déchirants les
airs, plaintes torturées de nouveau-nés, incantations verbales
rappelant certaines vociférations guerrières de jadis), on
ne sait même plus s’il convient seulement de penser concept-album
(ou concept tout court). Aenima définit son propre monde, un univers
où Tool n’est au final que le simple... instrument. Prêts
pour le grand voyage?
Xavier
BONNET